Page 82 - Bulbul Hezar
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du palais, il entra dans l’appartement de sa femme. « Ma
femme, dit-il, nous n’avions pas d’enfant, en voici un que Dieu
nous envoie. Je vous le recommande; faites-lui chercher une
nourrice promptement, et prenez-en soin comme de notre fils.
Je le reconnais pour tel dès à présent. » La femme prit l’enfant
avec joie, et elle se fit un grand plaisir de s’en charger.
L’intendant des jardins ne voulut pas approfondir d’où pouvait
venir l’enfant. « Je vois bien, se disait-il, qu’il est venu du côté
de l’appartement de la sultane; mais il ne m’appartient pas de
contrôler ce qui s’y passe ni de causer du trouble dans un lieu
où la paix est si nécessaire. »
L’année suivante, la sultane accoucha d’un autre prince. Les
sœurs dénaturées n’eurent pas plus de compassion de lui que de
son aîné. Elles l’exposèrent de même dans une corbeille sur le
canal, et elles supposèrent que la sultane était accouchée d’un
chat. Heureusement pour l’enfant, l’intendant des jardins, étant
près du canal, le fit enlever et porter à sa femme, en la
chargeant d’en prendre le même soin que du premier, ce
qu’elle fit, non moins par sa propre inclination que pour se
conformer à la bonne intention de son mari.
Le sultan de Perse fut plus indigné de cet accouchement contre
la sultane que du premier, et il en eût fait éclater son
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