Page 60 - Bulbul Hezar
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mais même qui causa de grands malheurs, des humiliations et
des afflictions les plus mortifiantes à la sultane leur cadette.
Elles n’avaient pas eu le temps de se communiquer l’une à
l’autre ce qu’elles avaient pensé d’abord de la préférence que le
sultan lui avait donnée à leur préjudice, à ce qu’elles
prétendaient: elles n’en avaient eu que pour se préparer à la
célébration du mariage. Mais dès qu’elles purent se revoir
quelques jours après dans un bain public où elles s’étaient
donné rendez-vous: « Hé bien, ma sœur, dit l’aînée à l’autre
sœur, que dites-vous de notre cadette? N’est-ce pas un beau
sujet pour être sultane? – Je vous avoue, dit l’autre sœur, que je
n’y comprends rien; je ne conçois pas quels attraits le sultan a
trouvés en elle pour se laisser fasciner les yeux comme il a fait.
Ce n’est qu’une marmotte, et vous savez en quel état nous
l’avons vue vous et moi. Était-ce une raison au sultan pour ne
pas jeter les yeux sur vous, qu’un air de jeunesse qu’elle a un
peu plus que nous? Vous étiez digne de sa couche, et il devait
vous faire la justice de vous préférer à elle.
– Ma sœur, reprit la plus âgée, ne parlons pas de moi: je
n’aurais rien à dire si le sultan vous eût choisie; mais qu’il ait
choisi une malpropre, c’est ce qui me désole: je m’en vengerai
ou je ne pourrai, et vous y êtes intéressée comme moi. C’est
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