Page 62 - Bulbul Hezar
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pour cela que je vous prie de vous joindre à moi, afin que nous
agissions de concert dans une cause comme celle-ci, qui nous
intéresse également, et de me communiquer les moyens que
vous imaginerez propres à la mortifier, en vous promettant de
vous faire part de ceux que l’envie que j’ai de la mortifier de
mon côté me suggérera. »
Après ce complot pernicieux, les deux sœurs se virent souvent,
et chaque fois elles ne s’entretenaient que des voies qu’elles
pourraient prendre pour traverser et même détruire le bonheur
de la sultane leur cadette. Elles s’en proposèrent plusieurs; mais
en délibérant sur l’exécution, elles y trouvèrent des difficultés
si grandes qu’elles n’osèrent hasarder de s’en servir. De temps
en temps cependant elles lui rendaient visite ensemble, et, avec
une dissimulation condamnable, elles lui donnaient toutes les
marques d’amitié qu’elles pouvaient imaginer pour lui
persuader combien elles étaient ravies d’avoir une sœur dans
une si haute élévation. De son côté, la sultane les recevait
toujours avec toutes les démonstrations d’estime et de
considération qu’elles pouvaient attendre d’une sœur qui
n’était pas entêtée de sa dignité, et qui ne cessait de les aimer
avec la même cordialité qu’auparavant.
Quelques mois après son mariage, la sultane se trouva enceinte;
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