Page 330 - Bulbul Hezar
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En approchant, le sultan, qui entendit un concert tout différent
de ceux qu’il eût jamais entendus, s’arrêta et chercha des yeux
où étaient les musiciens ; et comme il n’en vit aucun, ni près ni
loin, et que cependant il entendait assez distinctement le
concert, dont il était charmé : « Ma belle, dit-il en s’adressant à
la princesse Parizade, où sont les musiciens que j’entends ?
sont-ils sous terre, sont-ils invisibles dans l’air ? Avec des voix si
excellentes et si charmantes, ils ne hasarderaient rien de se
laisser voir ; au contraire, ils feraient plaisir.
– Sire, répondit la princesse en souriant, ce ne sont pas des
musiciens qui forment le concert que vous entendez, c’est
l’arbre que Votre Majesté voit devant elle qui le rend, et si elle
veut se donner la peine d’avancer quatre pas, elle n’en doutera
pas, et les voix lui seront plus distinctes. »
Le sultan s’avança, et il fut si charmé de la douce harmonie du
concert, qu’il ne se lassait pas de l’entendre. À la fin il se
souvint qu’il avait à voir l’eau jaune de près ; ainsi, en rompant
son silence : « Ma belle, demanda-t-il à la princesse, dites-moi,
je vous prie, cet arbre admirable se trouve-t-il par hasard dans
votre jardin ? est-ce un présent que l’on vous a fait, ou l’avez-
vous fait venir de quelque pays éloigné ? Il faut qu’il vienne de
bien loin ; autrement, curieux des raretés de la nature comme
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