Page 288 - Bulbul Hezar
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dont ils louèrent la beauté, les richesses, les meubles, les
ornements et la symétrie sans affectation et en gens qui s’y
entendaient. On servit enfin un repas magnifique, et le sultan
les fit mettre à table avec lui. Ils voulurent s’en excuser, mais ils
obéirent dès que le sultan leur eut dit que c’était sa volonté.
Le sultan, qui avait infiniment d’esprit, qui avait fait de grands
progrès dans les sciences, et particulièrement dans l’histoire,
avait bien prévu que, par modestie et par respect, les princes ne
se donneraient pas la liberté de commencer la conversation.
Pour leur donner lieu de parler, il la commença et il y fournit
pendant tout le repas ; mais sur quelque matière qu’il ait pu les
mettre, ils y satisfirent avec tant de connaissance, d’esprit, de
jugement et de discernement, qu’il en fut dans l’admiration. «
Quand ils seraient mes enfants, disait-il en lui-même, et qu’avec
l’esprit qu’ils ont, je leur eusse donné l’éducation, ils n’en
sauraient pas davantage, ni ne seraient plus habiles ni mieux
instruits. » Il prit enfin un si grand plaisir dans leur entretien,
qu’après avoir demeuré à table plus que de coutume, il passa
dans son cabinet, après être sorti, où il s’entretint encore avec
eux un très-longtemps. Le sultan enfin leur dit : « Jamais je
n’eusse cru qu’il y eût à la campagne des jeunes seigneurs, mes
sujets, si bien élevés, si spirituels et aussi _____
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