Page 214 - Bulbul Hezar
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Quant à la première, j’avoue que ces voix, telles que vous me
les représentez, sont capables d’épouvanter les plus assurés.
Mais comme dans toutes les entreprises de grande conséquence
et périlleuses il n’est pas défendu d’user d’adresse, je vous
demande si l’on pourrait s’en servir dans celle-ci, qui m’est
d’une si grande importance. – Et de quelle adresse voudriez-
vous user ? demanda le derviche. – Il me semble, répondit la
princesse, qu’en me bouchant les oreilles de coton, si fortes et
si effroyables que les voix pussent être, j’en serais frappée avec
beaucoup moins d’impression ; comme aussi elles feraient
moins d’effet sur mon imagination, et mon esprit demeurerait
ans la liberté de ne se pas troubler jusqu’à perdre l’usage de la
raison.
– Madame, reprit le derviche, de tous ceux qui, jusqu’à
présent, se sont adressés à moi pour s’informer du chemin que
vous demandez, je ne sais si quelqu’un s’est servi de l’adresse
que vous me proposez. Ce que je sais, c’est que pas un ne me
l’a proposée, et que tous y ont péri. Si vous persistez dans votre
dessein, vous pouvez en faire l’épreuve : à la bonne heure si elle
vous réussit ; mais je ne vous conseillerais pas de vous y
exposer.
– Bon père, repartit la princesse, que je ne persiste pas dans
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