Page 208 - Bulbul Hezar
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avait déjà pris sa résolution sur le parti qu’elle prendrait au cas
que cela arrivât, elle ne perdit pas le temps en donnant des
marques extérieures de sa douleur. Elle se fit un effort pour la
retenir toute en elle-même, et dès le lendemain, après s’être,
déguisée en homme, armée et équipée, et qu’elle eut marqué à
ses gens qu’elle reviendrait dans peu de jours, elle monta à
cheval et partit en prenant le même chemin que les deux
princes ses frères avaient tenu.
La princesse Parizade, qui était accoutumée à monter à cheval
en prenant le divertissement de la chasse, supporta la fatigue du
voyage mieux que d’autres dames n’auraient pu faire. Comme
elle avait fait les mêmes journées que les princes ses frères, elle
rencontra aussi le derviche dans la vingtième journée de
marche, comme eux. Quand elle fut près de lui, elle mit pied à
terre, et, en tenant son cheval par la bride, elle alla s’asseoir
près de lui ; et, après qu’elle l’eut salué, elle lui dit : « Bon
derviche, vous voudrez bien que je me repose quelques
moments près de vous, et me faire la grâce de me dire si vous
n’avez pas entendu dire que quelque part aux environs il y a
dans ces cantons un lieu où l’on trouve l’oiseau qui parle,
l’arbre qui chante et l’eau jaune. »
Le derviche répondit : « Madame, puisque votre voix me fait
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