Page 190 - Bulbul Hezar
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frère, s’écria-t-elle, je vous ai donc perdu, et perdu par ma
faute, et je ne vous reverrai jamais ! Que je suis malheureuse !
pourquoi vous ai je parlé d’oiseau qui parle, d’arbre qui chante
et d’eau jaune ? ou plutôt que m’importait-il de savoir si la
dévote trouvait cette maison belle ou laide, accomplie ou non
accomplie ! Plût à Dieu que jamais elle ne se fût avisée de s’y
adresser ! Hypocrite, trompeuse, ajouta-t-elle, devais-tu
reconnaître ainsi la réception que je t’ai faite ! Pourquoi m’as-
tu parlé d’un oiseau, d’un arbre et d’une eau qui, tout
imaginaires qu’ils sont, comme je me le persuade par la fin
malheureuse d’un frère si chéri, ne laissent pas de me troubler
encore l’esprit par ton enchantement ! »
Le prince Perviz ne fut pas moins affligé de la mort du prince
Bahman que la princesse Parizade ; mais, sans perdre le temps
en des regrets inutiles, comme il eut compris par les regrets de
la princesse sa sœur qu’elle désirait toujours passionnément
d’avoir en sa possession l’oiseau qui parlait, l’arbre qui chantait
et l’eau jaune, il interrompit. « Ma sœur, dit-il, nous
regretterions en vain notre frère Bahman : nos plaintes et notre
douleur ne lui rendraient pas la vie. C’est la volonté de Dieu,
nous devons nous y soumettre et l’adorer dans ses décrets, sans
vouloir les pénétrer. Pourquoi voulez-vous douter
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